Catch: The End of an Era

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Introduction

Le concept de storyline est assez difficile à présenter sans faire allusion à des exemples pour l'illustrer convenablement. De nombreux éléments sont à mettre en évidence et s'interrompre toutes les deux lignes pour proposer des exemples de rivalités différentes ne me semblait pas une bonne idée. Ce blog s'adressant aussi bien à des néophytes comme aux fans, il me fallait changer d'approche.

J'ai décidé alors de tout présenter à l'aide d'une seule storyline. Au lieu de partir du concept et l'illustrer avec des exemples, je partirai de l'exemple pour illustrer le concept. Ce qui revient en fait à vous conter le déroulement de la storyline. Pour ce faire, il faut que ça soit une histoire que je connais bien, qui peut parler à tout le monde et à gros enjeux. À partir de cette constatation, le choix me paraissait clair comme de l'eau de roche.

Nous allons partir entre 2009 et 2012 à la World Wrestling Entertainment, la plus grande compagnie du monde. L'enjeu est particulier car il ne s'agit pas ici d'un titre, d'un tournoi ou d'un quelconque trophée. Il s'agit d'un élément que WWE a intelligemment construit comme aussi important que n'importe quel titre de la compagnie. Et trois protagonistes vont se disputer pour cet élément, l'un d'entre eux pour le défendre, et les deux autres pour le lui arracher. De l'obsession, un sentiment de revanche, une envie profonde de vaincre l'autre, voilà ce qui anime cette rivalité. Première étape, le 16 février 2009. C'est le début de ce qui amènera à l'"End of en Era".

Prémices et présentation des personnages

Avant de commencer à parler des trois protagonistes de l'histoire, deux ou trois points sont à éclaircir. Nous allons parler de quatre matchs en particulier, tous ayant eu lieu à Wrestlemania. Mais qu'est-ce que Wrestlemania? C'est ni plus ni moins que le plus grand show de catch annuel, toutes compagnies confondues. Il est tellement important que de nombreuses compagnies indépendantes organisent un show lors du Wrestlemania Weekend, le catch étant en effervescence en cette période, et les dirigeants flairant un bon coup pour renflouer les caisses de la compagnie.

À l'époque, Wrestlemania était un P.P.V (pay per view) tenu sur une soirée un dimanche de mars ou avril. Aujourd'hui, ce sont deux soirées qui sont consacrées à ce show, le samedi s'étant rajouté. En 2009, une fois par mois les dimanches, la WWE tenait un PPV (c'est le cas encore aujourd'hui), les shows étant plus ou moins importants, ainsi que les affiches. Ces matchs devaient être build-up (construit), promus et à 99% agrémentés à une storyline. Et pour ce faire, WWE a deux programmes hebdomadaires: RAW qui est diffusé le lundi soir, et Smackdown à l'époque diffusé le mardi. Je ferai plusieurs fois allusion à ces shows.

Venons-en aux personnages. Le premier à présenter est un monstre sacré. Popularité sans égale, surtout à cette période, charisme dingue et employé de la WWE depuis 1991: The Undertaker (que je raccourcirai Taker quelques-fois). Comme son nom l'indique, il interprète un homme aux pouvoirs surnaturels, mystérieux, à cheval entre la vie et la mort. Longs cheveux, grand manteau noir et chapeau, plusieurs fois champion du monde, cet homme a fait de l'or de cette gimmick destinée à échouer (le personnage incarné, pour plus de précision j'ai réalisé un lexique expliquant le terme. D'ailleurs je vous renverrai vers ce lexique pour les terme dont j'ai déjà expliqué la signification: Lien du lexique en question). On le surnomme le Deadman ou le Phenom. Il est par ailleurs invaincu à Wrestlemania, ce qui aura son importance. Il utilise le Tombstone Piledriver comme prise de finition (ou finisher/finish), ainsi que le Hell's Gate comme prise de soumission finale.

Le second est le Heart-Break Kid (HBK), le Showstopper, Mr. Wrestlemania, Shawn Michaels. Sa carrière chez WWE commence quant à lui en 1988 et il a gravi les échelons un à un jusqu'à devenir champion du monde en 1996. Il doit prendre une pause forcée en 1998 et ne reviendra qu'en 2002. C'est un excellent catcheur, le préféré de beaucoup de monde ayant suivi le catch dès les années 90 et 2000. Il est réputé pour avoir disputé parmi les plus grands matchs de l'histoire de Wrestlemania, et l'année précédente, à Wrestlemania XXIV, il a mis fin à la carrière d'une légende absolue du milieu, Ric Flair, dans un match très émouvant. Il utilise le Sweet Chin Music, un gros coup de pied dans la mâchoire, comme prise de finition.

Le troisième et dernier à présenter est le meilleur ami de ce dernier, The Game, The Cerebral Assassin, The King of Kings, Triple H (ou HHH). Hunter Hearst Helmsley est l'un des grands personnages de WWE. Arrivé en 1995, gendre du grand patron Vince McMahon (qui est parti à la retraite en juillet 2022 suite à un scandale), c'est un catcheur versatile, pouvant camper le rôle de face ou de heel à la perfection. Plusieurs fois champion du monde lui-aussi, il n'interviendra que plus tard dans l'histoire. Il utilise le Pedigree comme prise de finition.

The Undertaker pendant son entrée au ring
HBK Shawn Michaels en 2008
Triple H, meilleur ami de Shawn Michaels
Il est enfin temps de commencer. Attachez vos ceintures, c'est parti pour 2009 nom de Zeus!

L'étincelle initiale

Comme dit précédemment, la première étape nous porte le 16 février 2009. La nuit précédente a vu le PPV No Way Out se dérouler. Sur le ring de RAW arrive un personnage qui n'a pas été présenté: J.B.L, ou John Bradshaw Layfield. Ce dernier campe un personnage de milliardaire texan ayant fait fortune à Wall Street. Il sort directement d'une rivalité avec rien de plus ni moins que Shawn Michaels. Ce dernier était au service de JBL car, selon la storyline, il était criblé de dettes. Et c'est justement à No Way Out que Shawn Michaels a enfin pu obtenir sa liberté en battant JBL.

JBL prend le micro et nous fait une promo. Il s'adresse au public et fait part de l'idée de génie qu'il a eue: il veut battre The Undertaker à Wrestlemania 25, chez lui au Texas (le show se déroulait à Houston). Mais Shawn Michaels interrompt le segment et lui dit clairement que c'est lui qui ira défier le Taker à Wrestlemania. C'est lui Mr. Wrestlemania et lui rappelle qu'il a perdu contre lui à No Way Out. Il défie JBL à un match qu'il remportera la semaine suivante. Entre-temps, l'Undertaker perd surprenamment contre Vladimir Kozlov le lendemain à Smackdown. Kozlov est un catcheur ukrainien qui campait un personnage russe et qui était à ce moment encore invaincu en solo. Le 2 mars, Shawn Michaels devient le premier à battre Vladimir Kozlov et obtient le droit de challenger le Taker.

The Streak: Plus qu'une simple série d'invincibilité

Mais pourquoi cette obsession pour affronter The Undertaker à Wrestlemania? Comme dit précédemment, ce dernier est invaincu à Wrestlemania. Mais attention, pas un 1-0, 2-0 ou un truc du genre. Il est dans la compagnie depuis 1991 et n'a manqué que deux Wrestlemania: en 1994 le Wrestlemania X et le Wrestlemania 2000 qui était la 16ème édition. Il en est à 16 victoires consécutives. Tous ses matchs à Wrestlemania se sont soldés par une victoire. À partir de Wrestlemania 21, WWE décide de créer une histoire autour de cette série d'invincibilité. Ils font la promotion de cette série, la vantant dans tous les sens possibles et inimaginables. À partir de là, des jeunes catcheurs aux plus vieux, tous espèrent battre l'Undertaker et conquérir sa Streak. La promotion porte ses fruits car la Streak prend une dimension légendaire: il devient impensable pour les fans de ne pas voir le Taker affronter quelqu'un pour que la série survive. Interrompre cette série est devenu un objectif aussi important que de remporter un championnat.

The Undertaker vs Shawn Michaels I, Wrestlemania 25

Le défi est lancé. Mr. Wrstlemania Shawn Michaels a lancé la première pierre, et le Taker a répondu positivement. Le match aura bien lieu lors du plus grand show de l'année. Très vite, HBK se place en menace sérieuse. Il est la lumière qui éclairera les ténèbres, se posant comme un sauveur chrétien venu libérer le monde des agissements démoniaques de son rival. Il le respecte mais ne le craint pas. Il affirme qu'il est certainement l'adversaire le plus dangereux que le Deadman ait jamais affronté et il a un argument imparable pour étayer son propos: The Undertaker n'a jamais vaincu le Heart Break Kid en un contre un.

En effet, les deux s'étaient déjà croisés en 1997. Ils s'étaient affrontés lors du premier Hell in a Cell de l'histoire. Ce dernier est un match suivant des règles spéciales (ou stipulation), dans lequel la rencontre se déroule dans une cage fermée de toute part entourant le ring et ses alentours. Michaels remporte le match suite à une intervention de Kane (faisant ses débuts en tant que frère de l'Undertaker, mais ceci est une autre histoire). Ils se retrouvent lors du PPV Royal Rumble de 1998, dans un match du cercueil cette fois-ci (pour gagner, il faut enfermer son adversaire dans un cerceuil). Michaels l'emporte encore.

Mais vous vous souvenez de la présentation de Shawn Michaels? Si pas, revenez en arrière et relisez-là bien: il a du prendre une pause forcée de 1998 à 2002. Bingo! Pendant ce match, Michaels se blesse gravement au dos. Il continue de catcher encore un peu, étant champion du monde, jusqu'à Wrestlemania 14, date à laquelle il perd le titre contre l'ultra-populaire Stone Cold Steve Austin, secondé par ni plus ni moins que Mike Tyson pour l'occasion.

Les deux ne se sont plus recroisés depuis mis à part une fois au Royal Rumble 2007. D'un Royal Rumble à un autre, cette fois-ci c'est le Taker qui prendra l'avantage dans le Royal Rumble match. Cet évènement tenu en janvier est particulier: c'est une bataille royale, dans laquelle on gagne en jetant l'adversaire par dessus la troisième corde (et que ses deux pieds touchent le sol) jusqu'à ce qu'il en reste un. Contrairement aux batailles royales classiques où tout le monde débute dans le ring en même temps, le Royal Rumble voit les catcheur entrer un par un à différents intervalles de temps. L'Undertaker remporte l'édition de 2007, en éliminant Shawn Michaels en dernier. Retenez les Hell in A Cell et Royal Rumble, ce sera important pour la suite.

Le Taker est quand même confiant. Il est à 16-0. 16 adversaires ont essayé avant lui, et personnes n'a réussi. Michaels n'en démord pas et énerve le Taker dans un segment où il est dans un cimetière et enterre symboliquement la Streak. Vous pouvez voir le segment ici. Il résume bien la streak même s'il est un peu kitsch. Il faut également être à l'aise avec l'anglais, mes excuses pour ce bémol.

Les deux se rencontrent enfin. Le clash des titans que vous pouvez voir en cliquant ici et que je vous conseille de regarder avant de revenir lire la suite.

Le match est à mon avis excellent. Les deux se rendent coups pour coups. L'Undertaker a failli se tuer sur un plongeon à l'extérieur du ring. De nombreuses phases mémorables qui culminent à un dégagement de Michaels sur le second Tombstone Piledriver, ce qui constitue une première depuis 1998. Le Taker aussi résiste à plusieurs Sweet-Chin Music. Le match continue jusqu'à l'erreur fatale de Shawn Michaels qui tente un moonsault, un saut périlleux arrière, rattrapé par l'Undertaker et converti en Tombstone: 17-0, Shawn Michaels a échoué.

The Undertaker vs Shawn Michaels II, Wrestlemania XXVI: Streak vs Career

Shawn Michaels et The Undertaker disparaissent quelques-temps après ça. Ironiquement, les deux reviennent à la même période: le deadman à SummerSlam, le second plus gros show de l'année, pour défier le champion poids-lourd de l'époque, CM Punk. Shawn Michaels revient un peu plus tôt pour reformer l'équipe qu'il constituait avec le troisième protagoniste de l'histoire, qui fait finalement son entrée, Triple H. Cette équipe se nomme D-Generation X, et était à la base un clan fondé par les deux en 1997.

Ces deux derniers travaillent en équipe quelques-temps et arrivent même à devenir champions par équipe en décembre de la même année. Mais arrivé le mois de janvier, l'envie de plus plus grande de Michaels de prendre sa revanche sur l'Undertaker prends petit à petit le dessus. Lors des Slammy Awards (les Oscars de WWE, qui ne se tiennent plus), Michaels reçoit le Slammy du match de l'année pour la rencontre précédemment décrite. Le feu est mis aux poudres. Toujours champion par équipe, il défie l'Undertaker... Qui refuse. L'Undertaker est l'actuel champion poids-lourd et il ne donnera pas de chance au premier venu la lui demander, et encore moins pour Wrestlemania: il faut mériter sa place de challenger. Michaels a une idée brillante qui pourrait le satisfaire: remporter le Royal Rumble match de 2010. En effet, le vainqueur de ce match obtient, depuis 1993, un match de championnat du monde à Wrestlemania, Championnat WWE ou Poids-Lourds (il y a deux championnats mondiaux à cette époque). Si Michaels gagne alors il pourra défier l'Undertaker pour son titre de champion à Wrestlemania et ainsi faire d'une pierre deux coups: interrompre la Streak et devenir champion du monde poids-lourd.

C'est un HBK déterminé comme jamais qui se présente au Royal Rumble. Le Deadman a réussi sa défense de titre contre Rey Mysterio plus tôt dans la soirée, ce qui contraint Michaels à remporter le Royal Rumble s'il veut son match revanche. Il entre dans une position assez favorable, en 18ème position. Il est si déterminé qu'il élimine son meilleur ami et partenaire par équipe, Triple H, avec lequel il est encore champion par équipe. Malheureusement pour lui, il échouera, éliminé par Batista (Drax dans Gardiens de la Galaxie), malgré de nombreux efforts pour rester dans le ring.

HBK est désespéré et commence à dérailler. Il perd les championnats par équipe le 8 février à RAW. Son obsession devient grandissante. Il n'y a plus qu'une option: il faut que le Taker accepte le match sous n'importe qu'elle condition. L'occasion se présente lors du dernier PPV avant Wrestlemania, Elimination Chamber. Ce dernier voit un Elimination Chamber match dans lequel l'Undertaker défend une dernière fois son titre avant de se diriger vers le plus grand show de l'année. L'Elimination Chamber est assez difficile à expliquer. C'est un match en cage, circulaire ou rectangulaire, avec des pods dans lesquels quatre catcheurs sont enfermés au debut du combat, tandis que deux autres débutent au centre du ring. Les catcheurs sont éliminés un à un et le dernier survivant est déclaré vainqueur. Une photo illustre cela: et vous voyez que pénétrer dedans depuis l'extérieur est quasi impossible.

L'Elimination Chamber

Shawn Michaels y arrive cependant, et coûte la victoire à l'Undertaker. Et contre qui en plus! Chris Jericho, un catcheur canadien encore actif et pertinent aujourd'hui. En 2008, Michaels et lui étaient entré dans une rivalité extrêmement soutenue et appréciée des fans. Les deux se détestent à priori, surtout que Michaels et Triple H avaient remporté les championnats par équipes contre Chris Jericho et son partenaire, le Big Show. L'obsession de Michaels lui a fait commettre ce qui était impensable: il a favorisé un de ses ennemis les plus farouches pour obtenir sa revanche. Maintenant que l'Undertaker n'est plus champion, plus rien ne l'empêche d'accepter son défi. Vous pouvez voir ce moment en cliquant ici. Remarquez le regard fixe de Michaels sur un Taker allongé au sol.

L'Undertaker est furieux. Michaels le défie et cette fois Taker accepte, mais à une condition. Michaels devra mettre quelques-chose tout autant précieux en jeu: sa carrière. S'il perd, il ne pourra plus catcher. Le match est acté.

Wrestlemania XXVI et le match est en main-event. Vous pouvez le voir en cliquant ici.

Le match est un peu plus lent que le précédent mais tout aussi tendu entre les deux. Il est assez similaire au match de Wrestlemania 25 dans sa construction, bien qu'il y ait un double drama lors de chaque tombé: Taker peut perdre sa série à chaque moment tout comme Michaels peut prendre sa retraite une fois les épaules rivées au sol. Vers la fin Michaels ne tient plus debout et se relève en se tenant au Deadman. Ce dernier le regarde faire, il semble hésiter à l'achever. Michaels refuse de voir de la pitié dans le regard de son adversaire, et dans un ultime acte de défiance, envoie une énorme baffe dans la mâchoire du Taker. Ce dernier l'achève, énervé, tout doute ayant été chassé de son regars. 18-0. La carrière de Shawn Michaels est terminée.

The Undertaker vs Triple H, Wrestlemania XXVII

Nouveau bond dans le temps, cette fois-ci le 21 février 2011. Nous ne voyons plus Undertaker depuis un moment; ce RAW du 21 février est l'occasion d'effectuer son retour. Il est l'heure de lui trouver un adversaire pour Wrestlemania, son rendez-vous annuel. À la fin de son entrée cependant, une autre musique retentit: une chanson chantée par Mötörhead, The Game, signifiant que Triple H arrive sur le ring, effectuant lui aussi son retour depuis mai 2010. Le regard est déterminé. Le segment ne comporte aucune parole, les deux se toisent longuement, puis Triple H tourne son regard vers le gros panneau Wrestlemania que la WWE accroche en cette période de l'année. L'Undertaker fait de même. Le match est acté. Vous pouvez voir le segment en question en cliquant ici.

La motivation de Triple est double. La première est officiellement prononcée: il veut venger son meilleur ami en prenant ce qu'il n'a pu prendre l'an passé: la streak du Taker. Triple H est convaincu de faire mieux que Shawn Michaels. La seconde raison s'inscrit dans la dynamique existante entre Triple H et Shawn Michaels. Et pour l'expliquer, reprenons la machine à retourner dans le temps pour atterrir encore une fois en 1997. Comme dit précédemment, un clan du nom de D-Generation X, dont Shawn Michaels était le leader et Triple H le second, était l'une des pièces maîtresses de la compagnie en cette période. Après la blessure de Michaels, Triple H prend la leadership du groupe au lendemain de Wrestlemania 14, premier acte d'un chemin qui le mènera vers son premier titre de champion du monde.

En 2002, Michaels revient enfin dans la compagnie. Assez vite, une réunion de D-X a lieu... Réunion qui se finit en fiasco pour Shawn Michaels. Triple H le trahit, le laissant étendue au milieu du ring. La motivation est claire: The Game refuse d'être encore une fois dans l'ombre de Michaels. Il a eu son moment de gloire, maintenant c'est l'ère de Triple H qui commence. Ceci amène au premier match de Shawn Michaels depuis son retour, à SummerSlam 2002, contre son ex-ami. Cette dynamique continuera jusqu'à la prochaine réunion de D-X, en 2006.

Cette dynamique a-t-elle vraiment cessé? Pas vraiment. Triple H a toujours eu ce sentiment de crainte, celui d'être pour toujours inférieur à Shawn. Dans cette optique, battre l'Undertaker à Wrestlemania est une occasion en or d'affirmer le contraire car Shawn a échoué deux fois. Cependant, Triple H aussi a échoué. En 2001, il avait déjà affronté l'Undertaker à Wrestlemania X-Seven et perdu.

Une triple revanche se met donc en place: une pour la retraite de Michaels, une autre pour ne pas finir éternel second, une dernière pour ce qui s'est passé dix ans plus tôt. Lors d'un segment entre les deux rivaux, Shawn Michaels fait son retour pour montrer du soutien à son ami. Mais lorsque Triple H demande à ce dernier de dire au Taker qu'il est l'homme qui est capable de le battre à Wrestlemania, Shawn devient muet et s'en va, murmurant "Désolé, tu ne peux pas".

Le match a lieu lors de Wrestlemania XXVII, un show fort décrié pour sa qualité médiocre. Ce match est l'un de ceux à sauver pour la plus grande partie des fans, et il est visible ici. Le match est un No Holds Barred, donc pas de disqualifications.

Les adversaires se rendent coup pour coup dans ce No Holds Barred mais vers la moitié du combat, Triple H commence à dominer sans partage. Après avoir résisté au Tombstone, il envoie deux Pedigree insuffisants. Il prend une chaise en acier au bord du ring et martèle le Taker avec mais rien n'y fait. Il décide de l'achever avec le Tombstone, la propre prise du Taker, en un acte d'ultime humiliation. Le Taker se dégage au compte de 2,99999999... Laissant un Triple H complètement stupéfait et limite effrayé. Que faut-il faire pour qu'il arrête de se relever? Il décide alors de prendre  son sledgehammer, sa masse, son arme de prédilection, celle qui l'a tant aidé dans sa carrière. Mais Taker le piège dans un dernier sursaut de conscience dans son Hell's Gate et finit la rencontre, HHH ne pouvant se libérer de la prise, sledgehammer en main. 19-0. L'Undertaker a gagné mais n'arrive pas à quitter l'arène de lui-même. Pour la première fois de l'histoire de Wrestlemania, un adversaire l'a poussé à bout physiquement, à tel point qu'il est transporté en civière en coulisse, alors que Triple H est, quant à lui, encore debout.

The Undertaker vs Triple H, Wrestlemania XXVIII: The End of an Era

Nous ne reverrons plus l'Undertaker pendant un moment. Triple H prend pour sa part un rôle de plus en plus grand derrière les coulisses. Gendre du grand patron, Vince McMahon, il devient le COO (Chief Operating Officer) courant d'année 2011.

C'est dans ce contexte que Triple H arrive le 30 janvier 2012 à RAW, pour évaluer le travail du General Manager du show, John Laurinaitis, un personnage heel qui abusait de son pouvoir en faisant passer ses actes pour des actes démocratiques. Triple H n'a pas le temps de le renvoyer: le dong caractéristique accompagnant les arrivées du Deadman se fait entendre. Et avec lui arrive l'Undertaker; un Undertaker en colère, revanchard. Il veut laver l'affront qu'il a subi à Wrestlemania l'an passé. Il a certes gagné, mais pour lui cette victoire n'en est pas une. Il a été laissé meurtri, incapable de se tenir debout. Pire, Triple H lui avait montré de la pitié, faisant mine de vouloir l'aider à se relever après qu'il s'est effondré en dehors du ring. Il a vécu la dernière année blessé, non physiquement mais mentalement. Le segment du retour est visible en cliquant ici.

Lors de la promo de Triple H au lendemain de Wrestlemania XXVII, celui-ci laissait entendre qu'un autre match entre les deux était envisageable si l'Undertaker le demandait. Cependant, maintenant que le Taker demande le match, Triple H refuse. Selon ses dires, il ne veut pas ternir la réputation et la legacy de ce dernier en lui infligeant encore une fois les supplices qu'il lui a fait subir l'année précédente. Il affirme qu'il ne veut pas tuer ce que l'Undertaker représente, c'est-à-dire un guide pour la nouvelle génération de catcheur. Même Shawn Michaels intervient pour lui dire d'accepter le challenge, allant même à provoquer son ami, mais rien n'y fait. Triple H ne veut pas affronter l'Undertaker. 

Mais l'Undertaker est déterminé, allant même à se couper les cheveux. Et il pique là où ça fait mal. Il lui dit clair et net que Triple H se défile car il sait qu'il n'arrivera pas à faire ce que Shawn Michaels n'a pas réussi à accomplir. Et ce parce-qu'on fond de lui, Triple H sait que Shawn était meilleur que lui. C'était la phrase, l'unique phrase, qui pouvait convaincre Triple H d'accepter le match: et c'est ce qui arrive. Le match est acté mais Triple H ajoute une condition: s'il faut terminer ce que l'Undertaker représente, terminer l'ère que les deux sont les derniers à représenter (ils sont les deux vétérans les plus anciens de la compagnie à ce moment-là), alors il faut le faire bien, sans excuse et sans retour en arrière. Le match sera un Hell in a Cell. Le segment est regardable ici.

La cage du Hell in a Cell

Les deux sont habitués à ce genre de stipulation. En plus d'avoir affronté Shawn Michaels lors du premier Hell in a Cell de l'histoire, Undertaker a fait de ce type de match une de ses spécialités. Triple H, quant à lui, détient à ce moment-là le record de victoire dans la structure d'acier. Les ingrédients sont en place pour la revanche... N'est-ce-pas?

Et bien non, ce n'est pas tout. Parce-que Shawn Michaels revient pour dire à Triple H qu'il est heureux qu'il ait enfin accepté le challenge. Mais ce n'est pas un Michaels enjoué que l'on voit. Outre lui rappeler qu'il l'avait qualifié de couard et que Triple H n'avait rien fait pour se défendre, il lui demande de lui rappeler la raison pour laquelle il a accepté le challenge du Deadman. Il lui demande de lui rappeler quelle était la phrase que le Taker a prononcée pour que Triple H sorte de ses gonds. Au final, il ne lui laisse pas la parole et demande à ce qu'on montre le moment sur l'écran géant. Le ton change; Michaels est en réalité vexé que de toutes les provocations, que de toutes les méchancetés qu'une tierce personne pouvait lui balancer à la figure, c'est le fait qu'on lui dise que Michaels soit meilleur que lui qui a suffit pour le convaincre à accepter le combat. Triple H lui dit que ça n'a rien à voir, qu'il n'a pas accepté pour prouver une fois pour toute qu'il était meilleur que son meilleur ami, mais qu'il est qu'il est fatigué d'entendre des personnes dire que Shawn n'a pas réussi quand il a essayé. Qu'il est fatigué d'entendre les gens parler dans le dos de Michaels, l'appelant un perdant. Il va mettre fin à la Streak non seulement pour lui, mais aussi pour son ami.

Mais Michaels n'est pas pour autant moins vexé. Il lui révèle que les mots qu'il lui avait dit ("Tu ne peux pas le battre") l'avaient blessé tout autant que son ami, mais qu'après ça il avait vu Wrestlemania. Et il avait vu le King of Kings dominer un Undertaker qui a du puiser dans ses limites pour survivre. Et puis il a perdu, et  que donc il avait eu raison. Et que cette année ne sera pas différente, il connaît déjà le vainqueur du Hell in a Cell. Et la raison pour laquelle il en est aussi certains, c'est parce-que la direction lui a demandé d'arbitrer le match. Vous pouvez voir tout le segment en cliquant ici.

Le build-up continue entre les trois, Michaels proclame qu'il sera impartial, Triple H qu'il n'aura de toute façon pas besoin de lui pour terminer le Taker et Taker qui menace Michaels que si jamais il montre une once de partialité, il s'occupera de son cas comme il s'en est occupé deux ans auparavant. Et le jour de Wrestlemania XXVIII arrive et avec lui le match tant attendu

Le match semble déroutant au début car il n'utilise pas la cage plus que ça. Par contre, niveau psychologie et storytelling, on ne fait pas mieux. Triple H continue ce qu'il a commencé à Wrestlemania XXVII et demande sans cesse à Michaels de demander à l'Undertaker s'il veut abandonner. Il veut terminer le Deadman non seulement physiquement mais mentalement. Mais Taker revient, et le match commence à devenir de plus en plus disputé avec un Shawn Michaels intraitable. Cependant, il enlève des mains de Triple H le sledgehammer, celui-ci voulant le fracasser sur le crane du Taker pour le terminer. Son ami va trop loin. Mais Shawn se prend le Hell's Gate du Taker, celui-ci voulant l'empêcher de sonner la cloche et terminer le match sur un KO technique. Triple H vient le sauver avec le sledgehammer. Hell's Gate sur Triple H de la part du Taker qui aurait le match gagné, puis un autre arbitre arrive pour remplacer Michaels KO. Taker passe à un cheveux de battre Triple H, et s'énerve sur l'arbitre, le mettant KO lui aussi. Ce match est trop important pour les deux. Les nerfs lâchent. Puis la séquence la plus célèbre du match arrive: Tombstone évité, Taker envoyé dans le coin dans lequel Michaels se reprend... Sweet Chin Music... Taker titube... Pedigree de Triple H... Taker est au sol... Michaels se précipite... 1 ... 2 ... Dégagement au compte de deux, à la limite du trois, sous une ovation incroyable du public. Michael se désespère car il a montré de la partialité. Le match continue encore et encore même si ce n'est plus le début, d'accord? D'accord. À la fin, Taker arrache le sledgehammer des mains de Triple H. Triple H fixe Taker d'un regard vide et s'apprête à l'attaquer, sachant que le match est fini et qu'il a perdu. Mais il tombera en soldat s'étant battu jusqu'au bout. Il se précipite, coup de masse de la part du Deadman et Tombstone Piledriver, 1, 2, 3. 20-0. Triple H a encore échoué, pour la troisième fois.

Les trois sortent ensemble de la cage, Taker et Michaels soutenant un Triple H qui a du mal à se tenir debout (faisant écho à ce qui s'était passé l'an dernier). Les trois se tournent vers le public. Leur ère est révolue. La fameuse "End of an Era" qui a été tant promue comme l'aboutissement de ce match. Une nouvelle ère peut commencer.

Conclusion

Cette storyline n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Elle est aussi particulière dans sa construction, car généralement une rivalité implique un gentil (face) contre un méchant (heel), or là personne n'était vraiment heel. Mais cette rivalité avait tous les ingrédients qu'il faut: des bons personnages, un bon scénario, des enjeux réels et palpables, une animosité naturelle et l'envie de gagner, entre autres. Je pourrais citer d'autres éléments à l'infini. L'important dans une storyline, qu'elle dure trois ans ou trois minutes, c'est l'implication dans laquelle elle nous plonge. C'est la manière dont elle nous est racontée. C'est la façon dont on nous la fait vivre. C'est la manière qu'elle a de nous émouvoir, nous mettre en colère, nous émerveiller, nous attrister, nous faire rire, nous faire ressentir toutes sortes d'émotions. Et si elle est accompagnée de bons matchs, c'est mieux, car le match est un moyen de véhiculer une histoire dans le catch. C'est même le moyen principal de communication du catcheur, sa manière à lui de raconter une histoire, d'une manière plus difficile encore que dans un film; personne n'est là pour couper un raté au montage. Tant que la suspension consentie d'incrédulité n'est pas brisée, tout va bien. Le catch est un sport-spectacle qui en dépend comme la Terre a besoin du Soleil. Ce sont pour ces moments que j'adore le catch, que je suis tombé amoureux de la discipline. Elle peut me décevoir par moment tout comme elle peut m'émerveiller: peu importe car les émotions que le catch nous fait vivre sont parfois inégalables. Et j'espère avoir pu véhiculer une de ses émotions avec cet écrit. Ce serait ma victoire personnelle. À plus pour un nouveau blog.

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