La Coupe du Monde 1930 (part 2): de la création à la consécration

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Avant le départ

Je disais dans le précédent blog que tous les ingrédients étaient là pour débuter la Coupe du Monde. En réalité, ça ne s'est pas tout à fait passé comme prévu. La FIFA s'affranchit dès 1928 de l'idéal olympique de De Coubertin et du CIO. Jules Rimet considérait que la compétition devait devenir professionnelle, puisque les championnats avaient pour la plupart un statut professionnel. Le vote de l'instauration de la Coupe du Monde fut aussi l'occasion de montrer l'indépendance que la FIFA prenait du CIO. Implicitement, je pense que cet aspect revêt une importance qu'on sous-estime. Si la compétition s'était mal déroulée, que ce serait-il passé ensuite? Heureusement, le tournoi sera un énorme succès tant sportif que financier.

Justement, le plus grand obstacle du début de la Coupe du Monde fut financier. Le jeudi 24 octobre 1929, la Bourse de New York panique: les cours s'effondrent pour des raisons que je ne détaillerai pas ici (également parce-que je ne les comprends qu'à moitié). C'est le Black Thursday, le premier jour du krash de 1929. Celui-là même qui débute la Grande Dépression qui amènera plus tard les conséquence qu'on lui connait. Pour une compétition qui doit coûter un petit peu plus qu'1$, c'est évidemment problématique. Dans ce contexte, le pays organisateur est désigné comme étant l'Uruguay. J'ai détaillé les principaux arguments que la fédération a mise en avant, et parmi eux se trouvaient l'argument principal: les frais entièrement payés par l'Uruguay, que ça soit le transport et l'hébergement.

Les équipes participantes

Bienvenidos a Montevideo!

Les équipes qui sont venues ont peut-être été saluées de cette manière. Mais quelles sont ces équipes? Et bien, premièrement, il faut savoir que les team participantes avaient reçu une invitation. Il n'y avait donc pas de qualifications, juste des inscriptions avec date limite le 28 février 1930. Mais il y a un problème majeur qui subsiste: la crise fait rage et les pays européens hésitent à envoyer leurs équipes effectuer un long voyage en bateau (2 semaines) et de surcroit coûteux, et ce malgré les promesses uruguayennes. Jules Rimet doit user de son art de convaincre les foules. Il réussit à obtenir les inscriptions, dont la date limite fut repoussée pour le moi de mai, de la France et de la Belgique. Ensuite, la Yougoslavie accepte de participer pour d'obscures raisons. Et enfin vient le petit cousin qu'on ne s'attendait pas à voir: la Roumanie. Le cas de la Roumanie est très cocasse. Le Roi Carol II, grand fan de football, est très enthousiaste à l'idée de voir son pays participer. Le souci n'est pas tant de trouver les joueurs pour y participer: le roi Carol les choisit personnellement. Non, le souci est ailleurs. Une compagnie pétrolière britannique refuse de libérer certains de ses employés qui jouent dans l'équipe. Imaginez-vous la tête des patrons de l'usine le jour où ils reçoivent un appel téléphonique, et qu'à l'autre bout du fil se trouve le Roi Carol les menaçant de fermer leur entreprise s'ils ne concédaient pas aux joueurs la période de vacances demandée! L'incident diplomatique évité, l'équipe embarque à Gênes, sur le SS Conte Verde. Le navire fait escale à Villefranche-sur-Mer, où l'équipe de France embarque, puis à Barcelone, là où l'équipe belge monte à bord. Les Yougoslaves décident de partir sur le MS Florida.  Celle-ci n'est composée que de joueurs serbes, car les croates refusent d'envoyer des joueurs pour protester contre le déménagement du quartier général de la Fédération yougoslave de football de Zagreb à Belgrade.

Pour les équipes sud-américaines, il y a moins de soucis. L'Uruguay en tant que pays organisateur y participe évidemment. L'Argentine, ne manquant pas une occasion pour batailler avec ses voisins, participe aussi. La Bolivie, le Brésil, le Pérou, le Chili et le Paraguay, bête noire des Uruguayens, acceptent l'invitation également. Viennent s'ajouter deux équipes d'Amérique du Nord et Centrale: les USA et le Mexique.

Parmi les absents notables, nous pouvons signaler l'Angleterre, qui ne viendra pas avant 1950 de toute manière. L'Italie ne répond pas à l'invitation de la FIFA, ainsi que l'Allemagne. L'Espagne, quant à elle, encontre des problèmes d'ordre administratifs: les équipes du championnat refusent de libérer leurs joueurs le temps de la compétition. Ceci ajouté à la réticence de l'entraîneur de se rendre en Amérique du Sud, la situation empêche la nationale espagnole de participer.

Au total, 13 équipes participent, réparties en 4 groupes. Le premier groupe se compose de 4 équipes et verra s'affronter l'Argentine, la France, le Mexique et le Chili. Le Brésil, la Yougoslavie et la Bolivie composent le groupe 2. Le groupe 3 voit l'Uruguay, la Roumanie et le Pérou s'affronter. Le groupe 4 se compose des équipes restantes, c'est-à-dire États-Unis, Belgique et Paraguay.

Stades et Groupe A

La particularité de ce mondial est le fait qu'il ne se jouera que dans une et une seule ville, la capitale Montevideo. C'est à ce jour le seul mondial qui aura cette caractéristique. Seuls trois stades sont retenus. Le fraichement bâti Estadio del Centenario, nommé en l'honneur du centenaire de l'indépendance uruguayenne, et pouvant abriter 90.000 personnes. Celui-ci est bâti de telle manière à ce qu'il paraisse plus petit vu de l'extérieur, car en réalité il s'enfonce dans le sol à la manière des théâtres gréco-romains. Il est construit en un temps record sur un ancien champ sur lequel des moutons mangaient paisiblement de l'herbe lorsque l'Uruguay remportait les JO d'Amsterdam. En parlant d'Amsterdam, les constructeurs ont donné ce nom à l'un des virage du stade, en l'honneur du titre olympique de 1928; le second porte le nom de Colombes, en l'honneur de la médaille d'or de 1924. Le second stade est le Gran Parque Central, une petite enceinte peu impressionnante mais qui abrite l'une des équipes les plus titrées au monde, le Nacional. Et enfin, le petit stade aujourd'hui disparu de Pocitos, maison du Peñarol, qui sera abattu en 1940 quand son équipe hôte déménagera au Centenario.

C'est dans ce stade de Pocitos que prend part, le 13 juin 1930 à 15 heures, l'un des deux premiers matchs de l'histoire du mondial. C'est le match Mexique - France. L'autre rencontre oppose les États-Unis à la Belgique au Gran Parque Central.

Si vous allez à Montevideo, vous pourrez trouver dans le quartier de Pocitos une plaque commémorative célébrant le premier but de l'histoire du mondial, et un poteau de but marquant l'endroit où se trouvait la cage dans laquelle ce but fut marqué. C'est Lucien Laurent, à la 19ème minute du match France-Mexique, qui marque ce goal. C'est un employé de la Peugeot, fraichement arrivé dans l'équipe de Sochaux, et a obtenu un congé spécial pour disputer la compétition. Le sélectionneur du Mexique, un espagnol du nom de Luque, avait galvanisé les siens en faisant référence au Général Zaragoza bottant le derrière des français à la bataille de Puebla, le Cinco de Mayo 1862. Conséquence: France 4-1 Mexique. Le capitaine de la France est un certains Alexandre Villaplane. Ce nom ne vous dit certainement rien, mais derrière celui-ci se cache un escroc et de surcroit un collaborationniste de Vichy, responsable de crimes de guerre en Dordogne, notamment le massacre de Mussidan le 11 juin 1944. Il sera fusillé après la Guerre.

Le reste du groupe A est mouvementé. L'Argentine a en son sein un joueur très rugueux, surnommé "affectueusement" le boucher par les français. Il s'agit de Luis Monti. Le changement de joueur n'étant possible que pour le gardien selon les règles de l'époque, il suffisait d'une faute bien placée pour blesser un joueur et contraindre l'équipe adverse à jouer à 10. Mais il était tout aussi technique que rugueux. Il est certainement l'un des meilleurs joueurs de cette Coupe du Monde. Lors du match contre la France, il prend en mire Lucien Laurent et l'envoie à l'infirmerie. Le match est tendu mais Monti arrive à marquer à dix minutes de la fin. Alors que les français poussent pour égaliser, l'arbitre siffle la fin du match... alors qu'il reste six minutes au compteur. Les joueurs français et les spectateurs, pour la plupart des uruguayens venus siffler l'Argentine, protestent et ces derniers envahissent le terrain montrant leur indignation. Un des assistants de l'arbitre parvient à convaincre ce dernier de son erreur et de reprendre le match. Le score ne bougea pas, mais les Français sortent ovationnés et les Argentins sont en colère pour le traitement réservé. Ils iront même jusqu'à menacer de se retirer de la compétition. C'est le premier match polémique de l'Histoire de la compétition.

Les Argentins n'ont cependant pas le temps de protester bien longtemps. Historiquement, l'équipe éprouve de grandes difficultés face au Brésil, difficultés encore plus exacerbées contre l'Uruguay. Mais alors face au Chili, le rendement est très mauvais malgré le fait que l'équipe sorte gagnante presque à chaque fois. Et si c'était cette fois la bonne pour le Chili? Ils éliminent le Mexique 3-0 puis s'imposent face à la France 1-0, les éliminant à leur tour. L'Argentine s'impose 6-3 face au Mexique, match très bizarre dans lequel l'arbitre Saucedo, également sélectionneur de la Bolivie (et oui, bienvenue dans les années 30), siffle cinq pénaltys dont quatre inexistants. De plus, le capitaine argentin, l'excellent joueur Manuel Ferreira, était rentré à Buenos Aires pour passer un examen d'Université. Et on arrive au clash, le gagnant pourra passer en demi-finale, pas le perdant. Au Centenario, les Argentins s'imposent 3-1 au final et passent en demi-finale. Le match est dirigé par le meilleur arbitre du monde, le belge John Langenus, qui confessera qu'après une demi-heure de match il aurait dû tous les expulser.

Groupe B, C et D

Le Brésil semble être le grand favori de ce groupe mais en réalité ne fera qu'un caméo. La faute à qui? La faute à la Yougoslavie. Celle-ci était de loin la meilleure équipe européenne des quatre arrivées sur le continent sud-américain. Lors du match d'ouverture du groupe, la Yougoslavie inflige aux brésiliens un 2-1 qui se révèlera décisif. Les deux équipes marqueront quatre buts à la pauvre Bolivie pour clôturer le groupe.

Le groupe C voit une petite surprise au début: les efforts (et les menaces) de Carol II se sont révélées payantes... Dans un premier temps. Le Pérou battu 3-1, l'équipe tombe sous les assauts de la Celeste lors du dernier match de la rencontre (4-0). Uruguay qui lui, avait débuté timidement, avec un petit 1-0 face au Pérou, avec un but d'Hector Castro.

Quel personnage ce Castro! Attaquant du Nacional, il était surnommé El Manco. Oui, le manchot, car il avait la particularité de ne pas avoir de main gauche. Il l'avait perdue lors d'un accident de menuiserie. Ses parent l'avaient envoyé travailler là-bas suite à ses résultats scolaires catastrophiques. L'école du soir étant moins chère, ils demandèrent à leur fils de travailler à la menuiserie, et un jour malheureux il place mal sa main et la scie électrique ne montre aucune pitié. Mais ne jamais sous-estimer un Uruguayen. Il utilise sa faiblesse comme une force, prenant appui sur le défenseur grâce à son moignon, pouvant ainsi sauter plus haut que son vis-à-vis et compensant également d'éventuels problèmes d'équilibre.

Le groupe D est plus anecdotique, si ce n'est que les USA, équipe entraînée par un écossais et ayant quelques immigrés écossais en son sein, battent le Belgique 3-0 lors du premier match. Les plus attendus semblent être le Paraguay. Ces derniers se sont payés le luxe de fesser 3-0 le double champion olympique en titre lors de la Copa America 1929, finissant à la seconde place derrière l'Argentine. Mais les USA sont intraitables, et refilent également un 3-0 aux Paraguayens. Le dernier match ne comptera que pour les statistiques et verra s'imposer le Paraguay 1-0 face aux Belges.

La finale tant attendue

Oui, elle est attendue. Déjà pour l'animosité qui animent les deux équipes l'une envers l'autre. Aussi car ce sont les deux meilleures équipes du tournoi. Mais également parce-que c'est la finale prédite par excellence. Dès le début de la compétition, le monde savait que ces deux équipes allaient se retrouver en finale.

Un maigre espoir animaient la Yougoslavie et les États-Unis d'éliminer l'une des deux équipes en demi-finale. Vous vous souvenez de l'Uruguay-Yougoslavie de 1924? Et bien, le match contient le même nombre de buts, 7 au total, mis à part que l'Uruguay s'impose 6-1 cette fois-ci. Le jour avant, les États-Unis pourtant brillants en phase de groupe s'était aussi mangé un 6-1 de la part des Argentins.

La petite finale ne se disputera qu'à partir de la prochaine édition, mais un débat sans fin concerne qui est arrivé troisième en 1930. En 1984, le FIFA mentionne que la Yougoslavie avait remporté un match 3-1. Cette dernière affirme avoir refusé de jouer le match en raison d'un arbitrage exécrable lors de sa demi-finale face à l'Uruguay.

Et nous y sommes. La première finale de la Coupe du Monde. À cent ans de la Bataille de Salto, où l'Uruguay avec l'aide d'un général italien du nom de Giuseppe Garibaldi s'imposa face à l'Argentine et obtint son indépendance, ces deux nations se retrouvent dans le stade célébrant cette même indépendance. 93000 personnes attendent au Centenario le début de la partie. Il y a plus de monde que prévu. La tension est palpable, à la limite du supportable. C'est l'occasion rêvée pour l'Uruguay de crier au monde qu'elle existe, en étant la première équipe à organiser et gagner la Coupe du Monde. Évidemment c'est l'occasion pour l'Argentine de se venger de l'affront subit un siècle plus tôt.

La tension est telle qu'Anselmo, attaquant de la Celeste, se désiste avant le match. Certains disent qu'il était malade, beaucoup pensent en revanche que la pression était si forte qu'il a finit par craquer. Hector Castro, qui n'était pas prévu pour le match initialement, le remplace.

Attardons-nous sur les formations deux minutes. Les deux équipes jouent le WM. L'équipe de l'Uruguay est légèrement différente que celle de 1928. Vous vous souvenez de Borjas? "Tuya Hector"? Et bien, il n'a jamais pris part à cette Coupe du Monde. Il n'a même plus joué un seul match avec la Celeste depuis deux ans. Mais l'absent le plus notoire, c'est Andres Mazali, le légendaire gardien du Nacional et de la nationale. Celui-ci a décidé de briser un couvre-feu imposé par l'entraineur Alberto Suppici pour aller, selon lui, embrasser sa femme et ses enfants. Les sources rapportèrent plutôt qu'il était parti s'amuser avec une mystérieuse femme blonde. Il fut exclut de la compétition et ne joua plus jamais pour l'équipe nationale (et arrêtera sa carrière peu après).

Mais l'Uruguay peut compter sur lui: José Nasazzi. Né pour commander, maçon de profession, ce joueur, pilier de la défense uruguayenne, est le capitaine de l'équipe. On raconte qu'il envoyait des ballons de la tête depuis sa défense jusqu'au milieu de terrain, et que lorsqu'elle la balle était imbibée d'eau de pluie elle allait encore plus loin, car il frappait la balle encore plus fort. Il est accompagné par une panoplie de champion. Parmi ceux-ci, José Leandro Andrade, fils d'un shamane qui l'a eu à plus de 90 ans, et dont le penchant pour la gente féminine était très prononcé (Colette et Joséphine Baker était parmi ses conquêtes). Il était la Merveille Noire 40 ans avant Pelé, la population noire étant fort présente en Uruguay du fait que le Brésil ait aboli tard l'esclavage, et que les réfugiés venant en Uruguay obtenaient de surcroit le permis de séjour (un énorme point fort humainement parlant). Il était si fort qu'en 1924, le public parisien l'ayant sifflé à la suite d'une faute, il se permit, énervé, d'offrir trois assists coup sur coup, le dernier en dribblant 7 joueurs adverses. En 1928, à la suite de la demi-finale contre l'Italie, il se blessa à l'œil en se cognant au poteau de but suite à un contraste de jeu. Il est, en 1930, en train de perdre progressivement la vue du côté du visage correspondant. Et puis, il y a Scarone, le retour de Petrone mais qui ne jouera pas cette finale, Iriarte et Dorado sur les ailes et, du coup, Castro en pointe. L'équipe d'Uruguay est forte. 

L'Argentine n'est cependant pas en reste. Elle peut elle-aussi compter sur son capitaine. Manuel Ferreira est un joueur de l'Estudiantes. Plus tard cette équipe comportera un groupe de joueur tellement fort qu'il sera surnommé "Los Professores", en contraste avec le nom de l'équipe. En attaque, le meilleur buteur de la compétition, Guillermo Stabile, qui joue à l'Huracan et viendra jouer en Italie dès le mondial terminé. Il y a les frères Evaristo, dont l'un inventera un geste technique hors de ce monde, la Marianela. Paternoster et Della Torre couvrent les arrières de Monti, le joueur le plus en vue de l'Argentine. Celui-ci était certes rugueux, mais il n'avait rien à envier à personne une fois balle au pied. Il est le véritable pilier de l'Argentine, sa colonne vertébrale. Francisco Varallo commence quant à lui avec une légère blessure à la jambe.

Le stade à peine construit montre des failles.Certains fans ont emporté chez eux des bouts de ciment provenant du stade en guise de souvenir. Les équipes arrivent en descendant l'escalier, style Jeux Olympiques. Jules Rimet a eu un mal fou à trouver un arbitre qui veuille bien arbitrer ce match plus que délicat. Il décide d'envoyer Langenus, mais celui-ci, excédé d'avoir arbitré tous les matchs délicats, a déjà rejoint Buenos Aires pour rentrer chez lui par bateau. Rimet envoye une délégation qui arrive à l'intercepter. Il a envie de refuser, mais il accepte finalement, non sans la garantie qu'au coup de sifflet final une voiture viendra le chercher pour l'extirper de l'enfer qui suivra la fin de la rencontre. Arrivé au stade, il se fait même arrêter par les gardes, prétextant que c'était la troisième personne à se présenter en tant que l'arbitre du match. Mais il est bien là, et il s'apprête à prendre une décision capitale.

Les Uruguayens ont apporté leur ballon, et les Argentins le leur. La FIFA n'avait pas prévu un ballon officiel comme il sera coutume plus tard, et donc techniquement l'utilisation des deux ballons est légale. Langenus exécute deux lancers de pièce. Le premier pour déterminer qui commence, le second pour déterminer avec quel ballon se jouera la première mi-temps et lequel sera employé en seconde mi-temps. L'Argentine remporte ce lancer particulier.

À 15h30, sous quelques flocons de neige (c'est l'hiver en Uruguay, ce qui a fortement surpris les européens à leur arrivée), le match débute. Malgré le fait que l'Argentine ait l'avantage du ballon, c'est l'Uruguay qui passe en avantage avec Dorado. Les Argentins n'en démordent pas et le gardien uruguayen Ballestrero doit s'incliner face aux frappes de Peucelle et Stabile. Ce dernier but énerve grandement Nasazzi qui réclame un hors-jeu, mais Langenus est bien la seule personne de toutes celles présentes en Uruguay en ce moment pour lui tenir tête sans flancher. La mi-temps arrive. Nasazzi passe sa frustration sur les murs du stade. Droite-gauche sur pan du vestiaire. Les empreintes qu'il laissera seront gardées pendant des années, car sacrées. Aujourd'hui, elles ne sont plus présentes: le vestiaire de l'Uruguay de 1930 est maintenant devenu des toilettes, et les empreintes ont été enlevées lors des travaux. Nasazzi est frustré, car c'est bien le match à ne pas du tout perdre. Et surtout pas contre eux. De l'autre côté, Luis Monti semble absent. Il sait pertinemment que dans le stade, des émissaires travaillant pour une certaine équipe turinoise, prête à dominer son championnat pendant le début des années 1930, sont présents pour l'observer. Passer du championnat argentin, qui a encore le statut de championnat amateur, au championnat professionnel italien (qui vient à peine d'être réformé en 1929), serait un avantage considérable. Il cogite.

Il cogite mais ceci ne l'empêche pas de passer tout près du 3-1 en début de seconde période. L'Uruguay, avec l'avantage du ballon, se rue à l'attaque et risque de subir une nouvelle fois le 3-1 sur une frappe de Varallo. Le tir frappe la barre transversale et aggrave la blessure de l'Argentin. À partir de là, c'est un monologue uruguayen. Pedro Cea égalise peu avant la 60ème minute. Puis Iriarte porte les siens en avantage. Et enfin, El Manco Castro décide de prendre l'ascenseur, s'appuyant sur un défenseur argentin, et de marquer le 4-2.

La Fin...

4-2 match terminé. L'Uruguay est championne du Monde. L'Uruguay a prouvé qu'elle était la plus forte. L'Uruguay a inscrit définitivement son nom sur la carte. À la fin du match, Langenus obtient ce qu'il a demandé: une voiture est arrivée le chercher et file vers le port. Mais à cause d'un brouillard épais sévissant sur le Rio de la Plata, il ne put embarquer tout de suite. Ce même brouillard avait empêché des supporters argentins de se rendre à Montevideo, le navire qui les transportait s'étant perdu.


Le succès de la compétition fut tel qu'il encouragea Rimet dans son idée. La Coupe du Monde vivra. Quant à l'Argentine, elle s'en va défaite une nouvelle fois. En 1830 elle perdit une région très riche et précieuse. Cent ans plus tard elle perdit la gloire d'être sacrée championne du monde contre cette même équipe.

Monti rejoignit la Juventus cette même année et en profita pour se naturaliser Italien. Il reviendra protagoniste lors de la prochaine édition. Le même destin, naturalisation à part, frappa à la porte de Stabile, qui portera les couleurs du Genoa de 1930 à 1934. En 1931, Hector Scarone arriva à l'Inter, reproduisant avec Monti un des nombreux duels de cette finale incroyable en Serie A.

L'Histoire de la Coupe du Monde était lancée. Peu semblaient conscients de l'importance que prendra cette compétition, et pourtant, cette édition historique restera à jamais dans les mémoires comme la première d'une longue série de compétition, chacune plus unique que la précédente.

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