Un monde sans peur

+2

- Bonjour petite fleur !

- Bonjour…

- Qui es-tu ?

- Je ne sais pas. Et toi ?

- Je ne sais pas non plus. … Sommes-nous amis ?

- Je ne sais pas. Qu’est-ce qu’un ami ?

- Je ne sais pas vraiment… n’est-ce pas quelqu’un que l’on apprécie ?

- J’apprécie le chanteur à la voix douce, mais je n’ai pas l’impression qu’il est mon ami.

- Hmm… alors c’est une personne avec qui l’on passe du temps ?

- Je passe du temps avec les autres fleurs, ce ne sont pourtant pas mes amies.

- Dans ce cas… je ne sais pas ce qu’est l’amitié…

- Tu veux un morceau de chocolat ?

- Je veux bien. Merci !

- Pourquoi cherches-tu à savoir ce qu’est l’amitié ?

- Pour savoir si elle existe.

- As-tu besoin de son existence ?

- … Je ne veux plus me sentir seul…

- C’est tout ?

- Je ne sais pas…

- Un autre morceau de chocolat ?

- Merci…

- Regarde mes pétales. Ils mettent du temps à se former, à déployer leur couleur… Je laisse les gens m’approcher, entrer dans ma vie. Ils me regardent, me jugent, m’arrachent, me déchirent, me mangent, me piétinent, me méprisent, m’ignorent… Puis, quand je suis toute abîmée, quelqu’un me replante, m’arrose, me donne de la lumière, de l’attention… et je renais, je grandis, je me reconstruis. Je ne sais pas si ce sont mes amis, j’ai abandonné l’idée de le savoir un jour, ils font simplement partie de ma vie. Toi, c’est pareil. Tu es encore dans ta chrysalide, tu laisses ton environnement te former. Un jour, tu déploieras tes couleurs à ton tour, et chaque nuance sera la marque de tes expériences, de tes rencontres. Définir une relation, c’est bigrement compliqué. Alors je préfère partager mon chocolat et mon temps avec la personne qui, sur un coup de tête, s’arrêtera pour me parler.


La petite fleur garda le silence, le regard perdu, puis reprit :


- Parfois, je me sépare de mes graines. Elles contiennent des messages, pas forcément de beaux messages, mais des messages tout de même. Je les envoie quand le vent m'effleure. Je les regarde partir, les perdant de vue, en espérant recevoir des nouvelles, savoir ce qu'il est advenu de ces parties de moi. Cela t'arrive aussi ?

- Oui, j'envoie des lettres, au peu de personnes qui m'en demandent.

- Obtiens-tu des réponses en retour ?

- Très peu.

- Cela te peine ?

- Oui.

- Penses-tu obtenir un jour une réponse ?

- Je ne sais pas, mais je ne peux m'empêcher d'y croire. Alors je continue d'attendre.

- ... Toute ta vie, tu attendras des choses qui ne viendront jamais.

- Je sais. Et malgré tous mes efforts pour les faire venir, rien n'y fera.

- Cela te convient-il ?

- Cela ne dépend pas de moi.

- Es-tu fou ?

- Peut-être. Je pourchasse des illusions, car ce sont les seules choses auxquelles je peux me raccrocher, quand bien même je sais que tout est faux.

- Un dernier morceau de chocolat ?

- Volontiers.

- Tu sais... que les fleurs ne peuvent pas manger de chocolat, n'est-ce pas ?

- ...

- Que le chocolat n'a ni cette couleur, ni ce goût ?

- ...

- ...

- ...

- S'il te plaît, ne t'éteins pas.



Commentaires
Pas de commentaires